Persée, le meilleur soin
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Persée tenant la tête de Méduse |
La tête de Méduse |
Athéna, déesse de la Guerre et de la Sagesse, qui détestait Méduse depuis que la Gorgone s'était unie à Apollon dans son temple, vint au secours du jeune Persée, en lui offrant un bouclier de bronze, pour se protéger du regard de Méduse. Parvenu chez les Gorgones, il s'approcha de Méduse, endormie. A l'aide de son bouclier, il décapita Méduse et emporta sa tête dans son sac (voir photographie).
Malheureusement, il n'existe aujourd'hui pas de solution miracle pour se protéger des méduses et soigner leurs piqûres. Souvent, les scientifiques ne sont pas d'accord entre eux sur les meilleurs traitements.
Les piqûres de méduse ne sont généralement pas mortelles, si les soins appropriés sont apportés. Du fait de la méconnaissance de la méduse, des traitements inappropriés sont parfois mis en route.
Les soins
Les soins apportés doivent être mis en œuvre rapidement après la piqûre, car très peu de cnidocystes délivrent d'emblée leur contenu, et les tentacules transparents restent accrochés à la peau des victimes.
Dès que possible, il faut sortir la victime de l'eau, car la panique et la douleur peuvent provoquer une syncope* et la mettre en danger, notamment de noyade. De plus, en continuant à se déplacer, la victime favorise la propagation du poison dans son sang. Ensuite, appliquer de la glace pour calmer la douleur. En effet, le froid coagule le venin et empêche sa propagation.
Rincer à l'eau ou au sérum physiologique pour nettoyer la zone touchée. Il faut à tout prix utiliser le type d'eau auquel la méduse est habituée (donc généralement de l'eau de mer), sans quoi les cellules urticantes restantes sont susceptibles d'éclater à cause du bouleversement de l'isotonie*.
Retirer les tentacules visibles restants à l'aide d'une pince, ou à la main (avec plusieurs paires de gants, au cas où l'une d'entre elles se déchirerait), mais surtout pas à mains nues, en évitant de frotter la plaie, ce qui ferait aussi éclater d'autres cnidocytes. Pour enlever les filaments invisibles restants, appliquer de la mousse à raser, ou du sable en dernier recours, mais ne pas frotter. Ôter la mousse à l'aide d'une surface rigide (carton par exemple), ou laisser sécher le sable et le gratter délicatement.
Très vite ensuite, il faut rincer avec une substance qui inhibe le mécanisme de décharge des cellules urticantes. L'identification de l'animal est alors nécessaire, car les substances utilisées ont des effets différents selon le type de méduse. En effet, il existe des dizaines de toxines possibles, et chez la même espèce jusqu'à six toxines différentes peuvent être secrétées.
Dans le cas d'une réaction violente, il faut consulter un centre de soins, en précisant bien l'origine de la piqûre. Les soins vont de la pommade antihistaminique à l'injection de cortisone ou de morphine si la douleur est trop intense.
L'application de vinaigre
Les scientifiques ont des avis divergents sur l'application de vinaigre. Elle aurait deux effets inverses selon le type de méduse. Dans certains cas, il inhiberait les cnidocytes de la méduse qui n'avaient pas encore été déchargés pour empêcher l'injection de plus de poison, permettant ainsi de retirer les tentacules restants. Dans d'autres, il activerait les cnidocytes et entraînerait l'injection du poison.
Son mécanisme d'action précis n'est pas connu, mais nous avons supposé qu'il agit sur quelques uns des acides aminés produits par les méduses pour lesquelles le vinaigre est efficace (mais pas pour les autres), qui seraient basiques, et donc neutralisées par l'acide. La réaction du vinaigre (acide éthanoïque) avec la protéine basique peut être modélisée de la façon suivante (le poison basique est neutralisée par l'apport d'acide éthanoïque):
« Hartwick recommanda en 1980, l'utilisation d'une solution aqueuse d'acide éthanoïque à 2-10% comme traitement d'urgence pour inhiber les nématocystes de la Chironex Fleckeri (la cuboméduse). Le vinaigre est traditionnellement utilisé aux Philippines pour les piqûres de cuboméduse depuis le début du 20ème siècle, même si d'autres traitements « traditionnels » étaient aussi utilisés. Des pêcheurs de Kukup ont décrit le traitement de piqûres de cuboméduse en Malaisie avec du vinaigre. Nous ne savons pas depuis quand ce remède est utilisé. » (Worldwide deaths and severe envenomation from jellyfish stings, Peter J Fenner & John A Williamson, 1996, Traduction de Daniel Jarrett)
Dans deux des cas étudiés par Williamson (en Malaisie), la victime arrêta de respirer après l'application de vinaigre, sans que l'on puisse déterminer si cela était un effet direct du vinaigre (tableau des cas étudiés: http://www.mja.com.au/public/issues/dec2/fenner/fentab.html).
Il semblerait que le vinaigre soit surtout efficace pour les piqûres de cuboméduses et de Physalia :
« Le vinaigre inhibe totalement le mécanisme de déclenchement des nématocystes de toutes les cuboméduses testées jusqu'à aujourd'hui. Néanmoins, le vinaigre cause l'activation de toutes (la plupart ?) les Cyanea et de certaines espèces de Physalie. » (Dr Peter Fenner, Surf Life Saving Australia , Traduction de Daniel Jarrett)
« Si l'eau vinaigrée inactive les filaments de Physalia, elle provoque avec les Cyanea le déclenchement en chaîne de tous les cnidocystes restés sur la peau » (Jacqueline Goy)
Les anti-venins
L'efficacité des anti-venins est aussi discutée. Il est difficile de trouver un anti-venin universel car les protéines produits par les cnidocystes varient selon le type de méduse.
« Les bénéfices possibles de l'antivenin pour Chironex sont à étudier pour des piqûres sévères par des cuboméduses. L'antivenin pour Chironex semble avoir très peu d'effet pour le syndrome « irukandji »* (il ne diminue pas la douleur), et n'est actuellement pas recommandé pour les piqûres de méduses autres que celles de cuboméduses. » (Worldwide deaths and severe envenomation from jellyfish stings, Peter J Fenner & John A Williamson, 1996, Traduction de Daniel Jarrett)
Depuis 1970, un anti-venin CSL (Commonwealth Serum Laboratories) agissant sur les piqûres des cuboméduses est produit en utilisant du sérum de moutons immunisés :
« Le sérum antivenimeux a été développé il y a 24 ans par des scientifiques des Laboratoires de Sérologie du Commonwealth en Australie, qui inoculaient des doses non létales de venin à des moutons. Les moutons produisaient alors des anticorps qui pouvaient être utilisés pour fabriquer du sérum antivenimeux. Les membres du personnel médical des régions côtières du Territoire du Nord et du nord du Queensland ont toujours avec eux le sérum antivenimeux. "Ça peut être très efficace", dit Fenner à propos du sérum antivenimeux, qui est injecté soit en intramusculaire, soit en intraveineuse. "La respiration se régularise presque immédiatement; le soulagement de la douleur arrive en quelques minutes. Ultérieurement les cicatrices sont souvent réduites." » (A killer down under, William Hamner, National Geographic, 1994 — Traduction de Frédéric Mauvisseau).
L'utilisation de la chaleur
On peut chauffer doucement la plaie avec une source de chaleur du type briquet, allumette ou cigarette, ou plonger la blessure dans de l'eau chaude (jusqu'à 40°C), en faisant très attention de ne pas brûler la victime. En effet, le venin est thermolabile*, et les acides aminés sont donc dénaturés par la chaleur.
Prévention
Malheureusement, contrairement à Persée, nous n'avons pas accès à l'aide précieuse d'Athéna pour nous protéger des méduses. Toutefois, il existe quelques pratiques pour minimiser les risques de piqûre.
Il faut à tout prix éviter de nager dans les zones à risque et lire les panneaux d'avertissements sur la plage. En effet, les cuboméduses, par exemple, sont quasiment impossibles à voir même lorsqu'elles sont proches, et certaines espèces de méduses ont des tentacules qui peuvent mesurer jusqu'à 10 mètres de long dans leur position étirée, et donc très difficiles à repérer.
Les principales zones à risque sont les suivantes: le long des côtes Nord de l'Australie et au nord du Tropique du Capricorne, où l'on trouve les Chironex (cuboméduses). Heureusement, le poison des méduses des côtes européennes n'est pas très toxiques, la plus redoutable étant la Pelagia noctiluca car elle possède des cnidocytes sur tout le corps. Comme elle fait l'objet de suivis réguliers, l'alerte est donnée dès qu'elle est repérée au large et qu'elle risque d'être amenée sur les côtes par le vent. On trouve aussi les Aurelia sur les côtes de la Manche, mais qui ne provoquent qu'une légère démangeaison. La période à risque court d'octobre à mai. Il est aussi possible de porter une combinaison en fibre qui protège des cuboméduses, utilisée par exemple par les sauveteurs ou les sportifs en Australie.
Par ailleurs, éviter de nager seul ou sur des plages peu fréquentées. De préférence, nager sur des plages surveillées par des maîtres nageurs et équipées de centres de premiers secours. En s'emparant de la tête de Méduse, Persée devint le héros mythique que nous connaissons, protégé par la puissance des yeux, puissance qui persista après la décapitation et donc après la mort de Méduse. Comme Méduse, les méduses ont encore un effet même après leur mort, c'est pourquoi il faut porter des sandales sur la plage, car les méduses échouées peuvent encore piquer, même lorsque les tentacules ne sont plus rattachés au corps de la méduse.
Ne jamais laisser barboter des enfants sur une plage à proximité de méduses, qui ont pu déverser leurs toxines dans l'eau simplement par l'action mécanique des vagues et du ressac (aller et retour violent des vagues sur elles-mêmes, lorsqu'elles se brisent contre un obstacle). En effet, l'effet de la toxine est proportionnel à la surface du corps piquée par rapport à la masse corporelle ; les enfants sont donc plus sensibles que les adultes.
Enfin, des chercheurs israéliens ont récemment réalisé que le poisson-clown Amphiprion qui vit au contact d'anémones de mer, n'est pas piqué par les méduses. Ils ont alors compris que celui-ci, qui vit parmi les tentacules des anémones, une proche cousine des méduses, est recouvert d'un mucus qui empêche la décharge des cnidocytes de la méduse envers son propre corps quand ses tentacules s'emmêlent. Ils ont ensuite réussi à isoler le produit chimique responsable de cet exploit et à le reproduire par synthèse, et l'ont incorporé à une crème solaire, appelée Safe Sea.
Les poissons Amphiprion vivent au contact
d'une anémone de mer