LE MYTHE DE LA MÉDUSE A-T-IL UNE JUSTIFICATION SCIENTIFIQUE?

Les poisons

Méduse, d'un seul regard, pétrifiait quiconque osait l'approcher. La mythologie grecque n'en dit pas plus à propos du regard assassin de cette femme fatale.

Cependant, la biologie marine nous dévoile le secret des méduses actuelles, qui ne manquent pas de piquant…

Types de venins et production

Le regard pétrifiant de Méduse était sans doute dû aux serpents venimeux qui composaient la luxuriante chevelure de cette dame au regard ensorceleur.

Il en va de même pour son homologue marine : la longue chevelure tentaculaire capture la nourriture qui, selon toute vraisemblance va ensuite être dégradée par voie enzymatique, selon un processus homologue à celui du corps humain. Une partie de la nourriture va servir à alimenter l'important muscle propulseur tandis que l'autre va aboutir à la synthèse du poison dans les cnidocytes.

Celui-ci est composé d'un grand nombre de substances que l'on regroupe en deux catégories distinctes : la thalassine et les actino-congestines. A l'heure actuelle, les scientifiques n'ont pas encore réussi à identifier les substances qui les composent étant donné l'impressionnante diversité des poisons : chaque méduse a un poison qui lui est propre, pouvant contenir une ou plusieurs substances, dont certaines ont parfois des effets contradictoires au niveau de l'organisme.

Cependant, on peut rapprocher ces substances nocives de celles que l'on connaît déjà et dont les effets sont comparables aux poisons des méduses. Ainsi, pour l'instant, on a dénombré 14 acides aminés différents faisant partie de ce venin dont l'action peut être comparée à la sérotonine, l'histamine, la quinine, aux catécholamines…

Il est évident que l'on ne peut pas affirmer qu'il s'agit véritablement de ces amines. C'est pourquoi on utilise le préfixe : L-, de l'anglais Like devant leur nom pour indiquer que ce sont des substances analogues mais pas totalement identiques.

Par ailleurs, le mécanisme de production de ces poisons à l'intérieur des méduses n'a pas non plus été élucidé. Ainsi, les schémas de métabolisme ne sont-ils pas précisément ceux de la méduse mais constituent le plus souvent des schémas du métabolisme tel qu'il est observé pour l'Homme, car on considère que les mécanismes sont comparables.

La L-sérotonine :

Formule topologique de la sérotonine

La production de la sérotonine s'effectue à partir du L-tryptophane, un acide aminé provenant de l'alimentation de la méduse présent notamment dans le poisson. La dégradation du tryptophane en sérotonine va se faire en deux étapes à l'aide d'enzymes spécifiques.

Tout d'abord, la tryptophane-hydroxylase va hydroxyler le tryptophane pour former du 5-hydroxytryptophane. Ensuite, sous l'influence de la décarboxylase, on obtient la 5-hydroxytryptamine, c'est-à-dire la sérotonine.

Schématiquement, la dégradation se résume à :

 

 

L-tryptophane

 

Tryptophane hydroxylase

 

 

L-5-hydroxytryptophane

 


L-aromatide amino-acide décarboxylase

 

Sérotonine : 5-hydroxytryptamine

 

 

Légende (adoptée pour tous les schémas): en bleu, ce qui va subir une modification et en rouge, ce qui apparaît lors de l'étape suivante; les flèches violettes montrent les mécanismes qui entrent en jeu

La L-histamine :

Cette molécule, tout comme la sérotonine, provient de la décarboxylation, c'est-à-dire l'élimination de CO 2 au niveau d'un acide carboxylique, de la L-histidine par la L-histidine-décarboxylase :

(Cliquer sur le schéma pour l'agrandir)

La L-acétylcholine :

Formule topologique de l'acétylcholine

L'acétylcholine subit un métabolisme complexe ; en deux étapes. En premier lieu, il se crée de l'acétylcoenzymeA (AccoA) à partir d'une réaction entre les ions acétate issus de l'alimentation et le coenzymeA (A signifie acétylation), catalysée par l'AccoA-synthétase. En second lieu, l'AccoA, présent dans les mitochondries va réagir avec la choline – dont la présence est due à la dégradation de l'acétylcholine – à l'aide de la choline-acétyltransférase, pour donner de l'acétylcholine.

Les deux étapes de la réaction sont donc les suivantes :

La L-quinine :

Formule topologique de la quinine

La quinine est un alcaloïde issu de la dégradation enzymatique de la tryptamine provenant du catabolisme du tryptophane, transformation différente de celle conduisant à la sérotonine. La formation de la quinine se fait ensuite à partir de la strictosidine. La L-quinine, optiquement active grâce à un atome de carbone asymétrique, serait en partie responsable de la luminescence bleutée de certaines méduses.

Strictosidine



  
Quinine

Les catécholamines :

Formule topologique de l'adrénaline

Formule topologique de la noradrénaline

Formule topologique de la dopamine

Ce nom regroupe en fait trois molécules synthétisées de manière identique : un noyau catéchol correspondant à un noyau benzénique possédant deux groupes hydroxyles (HO-). Ce sont la dopamine, la noradrénaline et l'adrénaline ; toutes créées à partir d'un même précurseur la L-tyrosine, lui-même issu de la dégradation de la phénylalanine contenue dans l'alimentation des cnidaires. La tyrosine est donc transformée en dihydrophénylalanine (DOPA) puis en dopamine, par action enzymatique. La dopamine peut ensuite éventuellement être dégradée par certaines enzymes qui vont alors donner de la noradrénaline en premier lieu, puis de l'adrénaline, selon le schéma de principe suivant :

Il existe très probablement d'autres venins intégrant le poison de la méduse ; comme on peut supposer que les cheveux de Méduse étaient constitués de serpents différents tous plus venimeux les uns que les autres…

Retour en haut de page